Voici l’intégralité du discours prononcé par Patrick SMETS devant la cinquantaine de libertariens venus à Namur pour le congrès de fondation du Parti Libertarien.

«Mesdames, Messieurs,

Chers amis libertariens.

Pour nous tous, le lancement de ce parti est un grand défi.

A titre personnel, c’est un plus grand défi encore de prendre la parole pour ce discours d’inauguration. Je ne suis pas un tribun ! Je ne parle pas comme De Gaulle, je ne parle pas comme Kennedy ou Fidel Castro. Je ne parle même pas comme Michel Daerden.

Je vais donc tâcher de ne pas trop vous embêter et de n’aborder que les points essentiels quant à l’origine du projet, au déroulement de la journée et au programme que nous vous proposons.


L’idée d’un Parti Libertarien me chatouille depuis longtemps. J’imagine que je ne suis pas le seul dans cette pièce. Personnellement, ça remonte à mes 20 ans quand j’étudiais à l’ULB. On militait à l’époque, avec Bertrand Wautlet, avec Boris Vermeulen, avec Fred Wauters au cercle des étudiants libéraux et puis à la FEL et on se rendait bien compte que le L dans le nom du PRL ne voulait plus dire grand chose. Ils l’ont d’ailleurs abandonné depuis, et à juste titre. Mais, nous étions encore des gamins et puis, surtout, c’était avant internet, et, comme libertariens, on se croyait à peu près seuls dans l’univers.

Ensuite, j’ai vécu l’aventure magnifique de Libéraux.org, le forum que vous connaissez tous. Et qui est devenu maintenant une association qui édite Contrepoints. J’en profite pour remercier son représentant, Guillaume Kalfon, qui nous fait l’honneur d’être là. Libéraux.org, ce fut l’occasion de sortir de l’isolement et d’enfin nouer des liens entre libertariens. C’est là que j’ai rencontré Quentin, Pierre-Yves, Yorick, Catherine, Hervé et tant d’autres. Nous formions un premier noyau de militants et régulièrement l’idée de lancer un mouvement politique nous chatouillait. A l’époque des contacts avaient été pris avec des politiciens en vue (dont je tairai les noms) afin de monter l’une ou l’autre opération. Mais, comme toujours avec eux, rien de pérenne ne s’est fait.

Enfin, celui qui nous a donné le kick nécessaire pour enfin réaliser ce vieux rêve, c’est Youness et le magnifique travail qu’il a fait à Liberté Chérie. C’est lui qui, le premier, a attiré mon attention sur Ron Paul et qui a su me convaincre de la possibilité de mener un combat réellement politique sans trahir nos idéaux. La campagne de Ron Paul a parfaitement montré que si on porte un message clair, on est entendu. Même si on sort du mainstream. Bien sûr son but n’était pas de devenir Président des Etats-Unis ou de prendre le pouvoir ou quoi que ce soit de ce genre, mais de faire entendre la voix libertarienne et de conquérir de nouveaux militants.

En lançant ce parti, notre but est de suivre l’exemple de Ron Paul. Nous voulons faire sortir le libertarianisme de la semi-clandestinité dans laquelle il est maintenu jusqu’à aujourd’hui et lui offrir une tribune publique. Au regard des différentes expériences menées jusqu’à présent, nous avons jugé que prendre un nom de parti politique et jouer le jeu de la démocratie était probablement le meilleur moyen d’atteindre nos objectifs réels, à savoir, faire de la propagande, occuper le terrain des idées et augmenter l’audience de l’ensemble du mouvement libertarien. Personne n’est ici pour le pouvoir. Ce serait d’ailleurs particulièrement stupide de partir de zéro avec un discours inconnu si notre but était de devenir ministres. Nous sommes ici pour nous mettre au service de l’ensemble des libertariens. Pour servir de coin dans la citadelle idéologique de la sociale-démocratie. Nous cherchons à créer une faille afin que tous puissent ensuite s’engouffrer dedans. Il n’est donc pas question de se substituer à tous ceux qui travaillent pour la liberté que ce soit dans les unifs, dans les think tanks, dans les associations ou sur internet.

Notre but, c’est de créer une image publique à laquelle tout le monde peut se référer que ce soit pour la défendre ou pour la critiquer, mais qu’au moins, le mot “libertarien” devienne connu.


Nous allons donc aujourd’hui nous donner les structures qui nous permettront de réaliser tout celà. La crédibilité d’un parti politique repose sur deux choses, 1) la capacité à présenter des listes et 2) un programme.

Pour ce qui est de la capacité à présenter des listes, un travail de terrain important devra être accompli d’ici 2014. Nous avons testé le système lors des élections communales et, si chacun s’y met, nous devrions être capables d’y arriver. Nous estimons que pour se présenter dans une circonscription, il faut 10 personnes qui y consacrent 3 à 4 week-ends. C’est du boulot mais ce n’est pas infaisable. Imaginez le progrès immense que nous aurions accompli en moins de deux ans si nous présentons des candidats.

Par contre, il est clairement impossible à quelques uns de faire tout le boulot pour l’ensemble de la Belgique. Les statuts dont nous discuterons cet après-midi sont donc conçus pour intégrer et coordonner les initiatives locales. Pas pour imposer un centralisme très peu compatible avec nos personnalités.

Quant au programme, ce sera également un énorme chantier que nous devrons mettre en branle dès avant la fin de cette année. Bien sûr, nous savons ce que nous voulons. Le programme libertarien s’étale de long en large dans tant de livres, ceux de John Locke, de Tocqueville, de Jean-Baptiste Say, de Frédéric Bastiat, de Lysander Spooner, de Ludwig Von Mises, de Friedrich Hayek, de Murray Rothbard, David Friedman et de tant d’autres. Mais l’expression claire en terme d’actes législatifs demande un effort de traduction particulièrement important qui s’étalera sur plusieurs mois. Aujourd’hui, nous voterons sur des grands axes, les têtes de chapitre de nos propositions. C’est à partir de là que nous déclinerons des propositions concrètes et chiffrées. Le tout sera normalement adopté au congrès de l’an prochain, afin d’être prêt pour la campagne électorale de 2014.


Pour ouvrir le débat, j’aborderai les deux points qui me semblent, à titre personnel, les plus importants: l’annulation de la dette et la neutralité militaire de la Belgique.


La dette, c’est le sujet du jour ! Depuis maintenant 3 ans que la crise grecque a explosé et s’est propagée à l’ensemble de l’Europe, jamais la population n’a été aussi consciente des questions de finances publiques. Nous devons en profiter. Porter le débat sur la dette elle-même, et pas seulement sur les déficits comme on essaye de le faire pour l’instant, est la meilleure façon de faire passer l’ensemble de notre message politique et de dénoncer les absurdités de la sociale-démocratie et de l’Etat-providence.

Sur cette dette publique, nous devons dire 3 choses.

Premièrement, que la dette publique n’est pas assimilable à la dette privée. Là où la dette privée porte sur le patrimoine légitime d’une personne ou d’une entreprise, la dette publique porte sur le patrimoine des contribuables. La banque et le gouvernement s’entendent pour passer un accord sur un bien qui ne leur appartient pas. La sanction démocratique par un ensemble d’électeurs à un temps t ne permet pas d’engager les contribuables futurs. Puisque l’impôt est une extorsion, le contrat passé entre le gouvernement et son créancier est fondamentalement immoral. Il est tout simplement nul et non avenu. Il n’y a aucune obligation morale de le rembourser.

Deuxièmement, il faut rappeler que la dette publique est anti-démocratique. Le propre de la démocratie, c’est la possibilité pour un peuple mécontent de changer de dirigeants et de politiques. Raison pour laquelle l’action du gouvernement s’inscrit dans un laps de temps relativement court de 4 à 5 ans. Si pendant ce laps de temps, un gouvernement mène une politique démesurée par rapport à ses moyens et qu’il finance cela avec des dettes à long terme, en fait, il oblige les gouvernements suivants à financer son propre programme. Et donc, il bloque, de facto, la possibilité pour le peuple de changer de politique. Un gouvernement n’a tout simplement pas le droit de s’engager au-delà de son propre terme, sauf à engager l’ensemble de la nation et à priver le peuple de sa souveraineté. La dette, et nous le voyons tous les jours, est le principal outil de défense du statu quo. En nous attaquant à la dette, nous rendons au peuple le droit de changer les axes majeurs de la politique actuelle et nous ouvrons la porte à une possible politique libertarienne.

Enfin, troisièmement, le remboursement de la dette est tout simplement impossible. Aujoud’hui, dans le projet de budget 2013, le gouvernement Di Rupo peine à débusquer 4 milliards. Or, rembourser la dette, c’est un effort de plus de 30 milliards par an pendant 20 ou 30 ans. (10 milliards pour supprimer le déficit public récurrent, 10 milliards d’intérêts annuels et 10 milliards d’appuration du capital sur 35 ans) C’est complètement irréaliste et ça tuera l’économie belge. Les jeunes qui sortent aujourd’hui de l’école connaîtront une austérité impitoyable – à la grecque – jusqu’à l’âge de leur retraite. Personne n’aura jamais la force d’imposer une telle politique dans le cadre d’un état démocratique. Viendra un moment où il faudra choisir entre le remboursement de la dette et les libertés civiles. Evitons d’en arriver là et annulons cette dette tant que nous sommes encore dans des conditions plus ou moins sous contrôle.

Caractère immoral, anti-démocratique et destructeur de richesse, voilà quel doit être, je pense, notre angle d’attaque dans le débat sur la dette publique.


Second sujet essentiel à mes yeux, le pacifisme libertarien.

Nous nous réunissons le 11 novembre et ce n’est pas un hasard. Nous avons décidé d’ouvrir notre programme par une proposition pacifiste. Tout le monde attend de nous que nous soyons des méchants ultra-libéraux intéressés seulement par l’argent. Nous voulons, dès le premier contact, briser cette caricature et montrer tout de suite que nous sommes un parti de principe qui est guidé par des valeurs morales et pas par un quelconque opportunisme financier. Nous réaffirmons donc d’emblée que le mouvement libertarien est un courant de pensée fondé sur la non-violence et sur le “principe de non-agression”.

De toutes les abominations commises par les Etats, la guerre est la pire. Il est trop facile, comme on le fait beaucoup ces temps-ci, d’assimiler la guerre à une opération de police. Que je sache, la police n’a pas le droit de tout détruire, de tirer sur des innocents et d’instaurer la loi martiale là où elle intervient. Ce sont justement ces limitations dans les pouvoirs de la police qui caractérisent un peuple civilisé et un état de droit. La guerre est l’inverse du droit et de la civilisation. Le rôle de l’armée doit être le plus circonscrit possible et se limiter à la défense du territoire national sans autorisation d’en sortir à moins d’un acte de guerre. Là où, sous le couvert d’une intégration européenne de la défense, se dessine un nouvel impérialisme européen, nous devons défendre une vision morale et non-interventionniste des affaires diplomatiques. C’est le combat ardu que livrent aujourd’hui nos compagnons aux Etats-Unis et nous lutterons avec eux de ce coté de l’Atlantique.


Je crois que j’ai assez parlé et qu’il est temps maintenant de vous permettre de participer à notre oeuvre commune.

Je conclurai juste en vous rappelant que ce congrès n’est pas la fin mais le début de l’aventure. Les plus grands voyages commencent par un petit pas. Aujourd’hui, nous allons faire le premier pas, demain, nous en ferons un autre et ainsi de suite. Je serai tout-à-fait sincère : je ne sais pas où nous allons, je ne sais quand on y arrivera et je ne connais pas le chemin. Mais je sais que j’ai envie d’avancer. Et si vous êtes venus aujourd’hui, c’est que vous avez sûrement aussi envie d’explorer ce chemin. Alors, faisons route ensemble et mettons-nous au travail

(Applaudissements nourris)