Par Christophe Goossens, pour le Parti Libertarien
Avec 260 morts par million d’habitants, la Belgique occupe une bien triste troisième place du classement mondial, derrière l’Espagne (343 morts par million), première, et l’Italie, deuxième (311)[1]. Comment s’explique ce résultat calamiteux ? Les épidémiologistes auront, pendant les prochaines années, fort à faire pour déterminer les chaînes de causalité et identifier les meilleures pratiques.
Il est cependant permis dès aujourd’hui de dresser un premier inventaire de ce qu’il ne faut manifestement pas faire. Il suffit pour cela d’observer ce qu’ont fait les politiciens belges : malgré la bonne volonté de certains d’entre eux, ils ont commis bévue sur bévue, ajoutant à la fatalité une forte dose de bêtise, d’incompétence, et chez certains, de malhonnêteté. La faute n’en incombe pas au seul gouvernement ou à la seule ministre de la santé. Il s’agit bien de la faillite collective de tout un système qui a prouvé son incapacité à protéger la population.
Voici les sept péchés capitaux de ce système : imprévoyance, déni, irresponsabilité, orgueil, volonté de pouvoir, mensonge, et enfin, la mère de tous les vices, l’indifférence au sort d’autrui.
Péché n°1 : imprévoyance
On aurait été fondé à penser qu’avec l’appui d’universités compétentes, et en consacrant aux dépenses de santé une proportion énorme de 10,4% du PIB, dont 8% obligatoires, nos ministères pléthoriques auraient pu compter l’un ou l’autre professionnels chargés de réfléchir à l’occurrence d’une épidémie et de préparer les réponses à y apporter. Après tout, ces dépenses obligatoires de santé représentent la bagatelle de 36 milliards d’euros par an[2], et un citoyen naïf aurait pu croire qu’une minuscule portion de ce formidable budget serait consacrée à une réflexion approfondie sur les risques sanitaires ou épidémiques de grande ampleur qui pourraient frapper la Belgique, et la manière d’y répondre. Il semble que non. Pas de plan catastrophe. Ou en tout cas, si ces plans ont existé, ils n’ont servi à rien, ce qui pourrait s’expliquer soit par leur ineptie, soit par le fait qu’ils n’ont pas été entendus. Chaque semaine, de nouvelles décisions ont été prises dans l’urgence sans avoir anticipé de stratégie. A ce niveau d’impréparation, on frémit à l’idée d’une guerre ou d’une catastrophe naturelle ou industrielle de grande ampleur.
Exemple caractéristique de cette imprévoyance : la destruction pour cause de péremption de millions de masques FFP2, de haute protection, que le gouvernement détenait à titre de réserve stratégique. Cette destruction appelle deux observations. D’abord, on a quelque peine à imaginer comment des masques pourraient périmer s’ils sont conservés dans de bonnes conditions. Seule une négligence caractérisée pourrait amener à la destruction de masques inutilisés. D’autre part, on comprend encore moins pourquoi le gouvernement, lors de la destruction de ces masques, ne les a pas immédiatement remplacés. Les prétextes allégués par la ministre de la Santé pour expliquer cette bourde incroyable n’ont convaincu personne[3].
Péché n°2 : déni
Pendant plusieurs semaines, plutôt que de tirer des enseignements de ce qui se produisait en Asie, notre classe politique, ministre de la Santé en tête, n’a cessé de répéter contre toute évidence qu’il ne s’agissait pas plus que d’une petite grippe[4]. La volonté était manifestement de rassurer la population à tout prix, quitte à raconter n’importe quoi. Plus grave encore, des scientifiques furent convoqués pour donner une apparence de vérité à cette absurde comparaison, comme le virologue Marc Van Ranst[5], pilier des médias flamands dont nous reparlerons.
Lorsqu’on relit les comptes rendus de cette époque, on devine bien que dans l’esprit de ceux qui nous gouvernent, le danger n’était pas que le pays soit frappé par une terrible épidémie de Covid-19, mais bien que la populace, forcément imbécile, soit prise de panique et commence à tourner en rond comme des poulets sans tête. Il fallait donc la rassurer par des mots doux pour la rendre plus docile, puis la diriger comme le berger dirige son bétail, en traitant d’irresponsables tous ceux qui tentaient d’alerter la nation sur les dangers à venir. Il ne faudrait surtout pas que les moutons bêlent trop fort. C’est ainsi que Marc Wathelet, qui fut l’un des rares scientifiques belges à avoir perçu à temps la menace du Covid-19 et à avoir tenté d’alerter les autorités belges[6], a été traité le 28 février par la ministre de la santé de « dramaqueen », laquelle a ensuite effacé le tweet compromettant sans toutefois présenter ses excuses à M. Wathelet.
La volonté de minimiser les chiffres a aussi contribué à la mauvaise préparation des autorités et de la population. Le 3 mars 2020 – c’était il y a un peu plus d’un mois à peine – le virologue Steven Van Gucht, représentant de Sciensano et directeur du comité scientifique conseillant le gouvernement, affirmait à la Chambre : « nous sommes bien préparés ». Il estimait que dans le scénario du pire, il y aurait « 13.000 diagnostics positifs dans neuf semaines, dont 2.000 à 3.000 personnes devraient être hospitalisées. Cinq pour cent de cas critiques signifie qu’environ 700 personnes seraient prises en charge par une unité de soins intensifs. Nous nous situons dans le même ordre de grandeur qu’une grosse épidémie de grippe »[7]. Cinq (et non neuf) semaines plus tard, et malgré le confinement généralisé, on en est à 26.667 détections, 5.610 admissions à l’hôpital, et 1.278 patients en soins intensifs. Soit environ le double d’un « scénario du pire » dont on admirera la précision. Et cela, sans compter les 3.019 morts[8], chiffre sur lequel Van Gucht s’était prudemment abstenu de donner la moindre estimation à la Chambre.
C’est également par un déni criminel de la réalité que les pouvoirs publics ont maintenu, en plein essor de la maladie, des manifestations de grande ampleur, tels que le salon du bâtiment Batibouw du 27 février au 7 mars, la Foire du Livre du 5 au 8 mars, ou encore la Marche mondiale des Femmes le 8 mars, alors qu’il est évident que ce genre d’événements rassembleurs est idéal pour propager une épidémie. Il ne fait guère de doute qu’une partie des morts d’aujourd’hui aurait pu être évitée si ces événements avaient été annulés.
Péché n°3 : irresponsabilité
Pour répondre à ce défi majeur et unique, la classe politique a répondu comme à son habitude : en créant des comités et des commissions. On aurait pu croire qu’avec neuf ministres de la santé (fédéralisation oblige), chacun flanqué de cabinets ministériels et d’administrations, il n’était pas utile d’en ajouter. C’était sans compter sur le dynamisme de la classe politique dès qu’il s’agit de donner l’illusion de l’action. S’appuyant sur ses puissantes administrations (spécialement le ministère (« SPF ») de la santé publique, ainsi que Sciensano, organisme public chargé des aspects scientifiques de la santé – 700 collaborateurs, excusez du peu), notre gouvernement s’est empressé de créer de multiples commissions qu’il affubla de noms anglais, espérant peut-être leur donner une apparence de modernité.
Il n’est qu’à voir la page consacrée à ce sujet sur le site de Sciensano pour apprécier le ridicule de cette agitation. Sous le titre involontairement comique de « What is government doing ? », Sciensano nous explique à quel point le gouvernement est actif puisqu’il a déjà créé pas moins de 13 comités, commissions, et autres task forces chargé de répondre à l’épidémie. La situation est ainsi gérée par un National Security Council, conseillé par un National Crisis Center, lui-même éclairé par un Risk Assessment Group, un Risk Management Group, un Scientific Committee for Coronavirus, lesquels rapportent aussi à une Evaluation Unit, composé de représentants de diverses institutions. Un Federal Coordination Committee coordonne les activités des différents ministères. S’ajoutent à cela une Operational Unit, une Socio-economic Unit, une Information Unit, plusieurs Legal Units, une International Unit, une Task Force Integrated Police, et un Economic Risk Management Group[9]. La transparence s’arrête là, car on saura rarement la composition exacte de ces innombrables comités, ni ce qu’ils font vraiment ou ce qu’ils coûtent.
Il est permis de penser que ces comités multiples présentent l’inestimable avantage, aux yeux de la classe politique, de faire obstacle à ce que quiconque assume la moindre responsabilité. La ministre de la Santé a d’ailleurs avoué à la Chambre qu’elle suivait aveuglément les recommandations des experts : « pour les décisions, nous nous laissons diriger par le comité scientifique. (…) Je suis naturellement les recommandations du Risk Management Group »[10]. Le gouvernement a suivi la recommandation du ministre, qui a lui-même suivi l’avis du groupe d’experts, qui a à son tour écouté l’opinion d’une autre task force… On les entend d’ici : peut-être que ça a foiré, mais nous n’avons fait que suivre l’avis des scientifiques du group machin ou des experts de la task force bidule. On comprend immédiatement qu’en cas d’échec, il sera bien plus difficile d’identifier le responsable d’une mauvaise décision que s’il y avait vraiment quelqu’un qui assumait, comme il se doit, la responsabilité politique de ses actes. Nous verrons dans quelques temps si la population se laissera duper par ce procédé, ou si au contraire elle voudra trouver et punir les coupables de la catastrophe à laquelle nous ont conduits nos dirigeants.
Péché n°4 : orgueil
Dès qu’il a pris conscience de la gravité de la situation, le monde politique, ne doutant jamais de son infinie capacité à gérer mieux que quiconque toute situation nouvelle, s’est brutalement arrogé le monopole des secteurs critiques pour répondre à la crise, et a empêché les acteurs du secteur privé de procurer à la nation ce dont elle avait besoin.
Les soignants craignant de manquer de masques et de matériel de protection en raison de la pénurie mondiale, elle-même causée par des restrictions à l’exportation dictées par la Chine communiste, nos dirigeants ont promis de s’en occuper et de résoudre le problème.
La première mesure à prendre à cet effet fut d’empêcher le secteur privé, par des interventions intempestives, de jouer son rôle de fournisseurs de marchandises. Plusieurs bourgmestres saisirent ainsi des cargaisons de masques destinées au commerce[11]. Un arrêté royal adopté le 23 mars 2020 précise que les masques et le matériel de protection utile ne sont désormais plus accessibles qu’en pharmacie, et sur prescription d’un médecin. Le même arrêté donne d’immenses pouvoirs de saisies et de réquisitions aux fonctionnaires chargés du contrôle des médicaments, ainsi que celui de limiter « le nombre de transactions, les ventes et les volumes de vente »[12]. Ces restrictions ont donné un signal clair au secteur privé : n’essayez pas de faire votre métier en important des masques et en les distribuant aux clients potentiels, sinon vous aurez affaire à nous. Message reçu : les pouvoirs publics eurent raison de toute velléité, de la part des commerçants, grossistes et détaillants, d’essayer de satisfaire la demande des hôpitaux, des soignants, et de la population.
Ayant consciencieusement détruit les canaux d’approvisionnement habituels du secteur privé, le gouvernement sera donc seul à même d’importer les masques et le matériel nécessaires, et de les distribuer parcimonieusement aux hôpitaux et aux soignants. La population, elle, n’aura qu’à se débrouiller en bricolant tant bien que mal des masques artisanaux.
On connaît le résultat de cette brillante stratégie du gouvernement. N’ayant évidemment aucune expérience de la commande de matériel médical, ni de la qualité des fournisseurs, ni des conditions du marché, le gouvernement s’est avéré incapable de répondre à la demande et s’est fait plusieurs fois rouler dans la farine par des fournisseurs peu scrupuleux. Une première commande de cinq millions de masques, partiellement payée, n’est jamais livrée ; on parle de fraude[13]. Une autre commande de trois millions de masques FFP2, de haute protection, n’est pas conforme aux exigences de qualité ; les masques sont inutilisables en hôpital[14].
Et lorsqu’un fournisseur belge se démène pour acquérir cinq millions de masques FFP2 qu’il propose de revendre au gouvernement, celui-ci traite l’offre par le mépris avant d’accuser ce fournisseur, contre toute évidence, d’être malhonnête et d’avoir « tenté d’escroquer la population belge »[15].
Alors que dans tous les pays d’Asie, les masques sont vendus pour trois fois rien par boîte de 50 dans les épiceries de village, la population belge devra quant à elle se contenter d’une distribution de masques rappelant l’Europe de l’Est sous le communisme : il faut se précipiter à la pharmacie le jour de l’approvisionnement pour obtenir cinq misérables masques, et encore, si on a de la chance[16]. Ou, si l’on a une machine à coudre, se fabriquer un masque de fortune avec un bout de tissu et un élastique.
Péché n°5 : volonté de pouvoir
Le directeur général de l’OMS, le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rappelé le 16 mars 2020 une évidence à propos de la réponse à apporter à toute épidémie : « testez, testez, testez »[17]. Les autorités sanitaires qui ne dépistent pas leur population sont comme des pompiers aveugles qui essaient d’éteindre un feu en arrosant partout sans savoir où se trouvent les foyers d’incendie.
Avec tout ce que compte la Belgique comme hôpitaux, cliniques, universités, infectiologues, virologues, épidémiologistes, laboratoires publics, privés, universitaires, hospitaliers et vétérinaires, industries pharmaceutiques, médecins généralistes, pharmaciens, infirmiers à domicile, et aides-soignants en maisons de repos, on aurait pu croire qu’il serait simple de mobiliser tout ce beau monde pour dépister rapidement toute la population suspecte d’être infectée. Après tout, rien de bien compliqué à cela : dès qu’une personne présente des symptômes, on la dépiste, on lui demande avec quelles personnes elle a été en contact les jours précédents, et on dépiste aussi ces personnes. Et tous les cas positifs sont soigneusement isolés du reste de la population.
Au lieu de cela, il fut décidé que parmi tous les laboratoires capables de procéder à des tests de dépistages, il n’y en aurait qu’un, et un seul, qui serait habilité à les réaliser : le laboratoire de la KUL dirigé par le célèbre professeur Van Ranst.
La personnalité de ce dernier mérite que l’on ouvre une parenthèse. Le professeur Van Ranst, hyperactif à la fois sur twitter et dans tous les comités chargés de conseiller le gouvernement, a aussi table ouverte à la télévision publique flamande, où il est présent tous les soirs dans une émission en prime-time sur le coronavirus. C’est également un sympathisant actif et déclaré du Parti du Travail de Belgique, ouvertement communiste. Il a affirmé « qu’un communiste est quelqu’un qui est altruiste envers son prochain »[18]. Son rôle dans la gestion de la crise a été qualifié de « crucial » par les médias flamands[19]. Sachant que la réponse donnée à cette crise n’est pas seulement médicale, mais aussi et surtout logistique, sociale et économique, on peut s’interroger sur la pertinence du choix d’un partisan de la dictature du prolétariat pour guider la politique de notre pays lors de sa pire crise depuis la guerre. Parenthèse refermée.
Quoi qu’il en soit, en confiant à un seul laboratoire, celui dirigé par l’omniprésent Van Ranst, le soin de procéder à tous les tests de dépistage, le gouvernement a cruellement limité la capacité de dépistage au moment où on en avait le plus besoin, c’est-à-dire au début de l’épidémie, lorsqu’il était encore possible de contenir la propagation de la maladie en isolant strictement les malades, sans confinement des autres. C’est la stratégie qui a été suivie en Corée du Sud et en Allemagne, avec succès puisque la Corée du Sud, pourtant infectée très tôt, ne compte que 3,9 morts par million d’habitants, et que l’Allemagne voisine n’en compte que 26,1, dix fois moins qu’en Belgique[20].
Pire encore, alors que des acteurs privés inventaient de nouvelles méthodes de dépistage, le gouvernement a rapidement pris un arrêté royal pour en interdire l’utilisation et la diffusion[21]. Le gouvernement a justifié cette interdiction par l’absence de fiabilité absolue de ces tests, ce qui n’est guère convaincant car aucun test de dépistage n’est parfaitement fiable. Une entreprise bruxelloise, qui avait inventé un de ces tests interdits en Belgique, a quitté le pays pour Hong-Kong, où personne ne songe à lui mettre des bâtons dans les roues[22].
Bien entendu, le laboratoire du Dr. Van Ranst fut rapidement submergé par les demandes qui y affluaient, et il fut donc décidé de confiner toute la population, et de ne plus tester que les personnes atteintes sévèrement ou celles jugées comme présentant des risques particuliers. Incapable de répondre à la demande, le Dr. Van Ranst expliqua que le dépistage n’était pas vraiment utile car de toute façon, les chiffres de contamination ne pouvaient pas être exacts : « Pour moi, le seul chiffre qui compte, et qui est indéniable, c’est le nombre de morts »[23].
Les médecins généralistes, sans masque ni matériel de protection et donc condamnés à consulter par téléphone, étaient ainsi privés des moyens de dépister la majorité de leurs patients. En outre, la maladie ne causant pas toujours de symptômes, les gens pouvaient, dans les limites du confinement, continuer sans le savoir à infecter leurs proches ou leurs collègues, les condamnant parfois à mort.
Les excuses invoquées par le Dr. Van Ranst, selon lesquelles il y aurait eu une pénurie de réactifs pour procéder aux tests, n’étaient évidemment pas fondées[24]. En effet, d’une part, les tests n’utilisent pas tous les mêmes réactifs, donc en laissant les laboratoires travailler, on aurait multiplié les capacités, et d’autre part, cette prétendue pénurie de réactifs n’a empêché ni l’Allemagne, ni la Corée du Sud de procéder à des dépistages massifs en s’appuyant sur leurs réseaux de laboratoires privés.
Lorsque le gouvernement a finalement compris que le dépistage était stratégique pour lutter contre l’épidémie, il s’est rapidement trouvé des laboratoires prêts à les réaliser, ainsi qu’un industriel proposant de faire à lui seul 6.000 tests par jour, ce qui doublerait la capacité de dépistage du pays[25].
D’autres laboratoires privés ont cependant été exclus du processus. Une association de médecins travaillant pour ces laboratoires privés a confirmé la disponibilité de 45 laboratoires pour réaliser des tests, regrettant qu’en dépit du bon sens, le gouvernement refuse de faire appel à eux[26].
Le gouvernement a invoqué en réponse « des raisons stratégiques et financières »[27]. Il ne dit pas comment ces motifs pourraient expliquer que l’on refuse aux citoyens qui le souhaitent de bénéficier d’un test de dépistage sous contrôle médical, alors que les laboratoires privés ont la capacité et la volonté de les réaliser.
Quoi qu’il en soit, les propositions multiples d’acteurs de la santé, qu’il s’agisse d’industriels ou de laboratoires, montrent que la prétendue pénurie était un faux prétexte : il aurait suffi de laisser travailler les acteurs privés pour que la capacité de dépistage se trouve rapidement multipliée. Et en attendant l’extension des capacités de dépistage, combien de semaines perdues ? Combien de morts évitables ?
Pourquoi le gouvernement a-t-il ainsi restreint le dépistage, d’abord au seul laboratoire de la KUL, ensuite à quelques laboratoires et à un industriel ?
Cela devra être élucidé, mais il semble que de telles restrictions ne puissent s’expliquer que par la volonté des acteurs du dossier, parmi le gouvernement et ses conseillers, de contrôler toute la gestion de la crise. Si c’est important, semblent penser le gouvernement et ses conseillers, nous sommes les seuls à pouvoir nous en occuper. Cette volonté de pouvoir est corrélée avec une méfiance profonde pour le marché et les acteurs privés. C’est là que la présence d’un communiste au cœur du système de gestion de la crise pose question. Seul le gouvernement semble digne de confiance ; les entreprises et acteurs privés ne sauraient accomplir aucune tâche importante, ou s’ils le font, ce doit être sous le contrôle étroit du gouvernement.
Le résultat, à nouveau, est sans appel : alors qu’en Allemagne, en s’appuyant sur le réseau privé de laboratoires, la population pouvait bénéficier de 500.000 tests par semaine pendant le mois de mars[28], ce qui représente 6.026 tests par million d’habitants, la population belge n’a pu en réaliser que très peu : c’est ainsi que pendant la semaine cruciale du 16 au 22 mars, seuls 14.626 tests ont été réalisés, soit 1.271 par million d’habitants[29]. Cinq fois moins qu’en Allemagne.
Péché n°6 : mensonge
Nous avons déjà évoqué plusieurs situations dans lesquelles le gouvernement a tenu des propos inexacts :
- lorsque, voulant rassurer la population, il a minimisé l’ampleur du problème, parlant d’une petite grippe ;
- lorsqu’il a accusé un fournisseur belge de masques d’avoir tenté d’escroquer la population belge, accusation immédiatement démentie par les écrits que ce fournisseur a pu montrer à la presse ;
- lorsqu’il a prétendu qu’une pénurie de réactifs causait la faible capacité de dépistage, alors que celle-ci résultait du monopole octroyé au laboratoire du Dr. Van Ranst, et que les laboratoires privés étaient capables et désireux d’augmenter significativement la capacité belge de dépistage.
L’inexactitude la plus grave a sans doute porté sur l’usage des masques de protection. Tout en affirmant que ceux-ci étaient vitaux pour le personnel de santé, on a seriné à la population le message selon lequel ces masques ne lui seraient d’aucune utilité[31]. Cette explication erronée avait pour but de couvrir l’imprévoyance des autorités, qui ne disposaient plus de masques en suffisance pour les soignants et voulaient donc éviter que la population, en tentant de se protéger, fasse monter le prix des masques pour le personnel soignant.
S’agit-il d’un mensonge délibéré ou d’une erreur commise de bonne foi ? Quoiqu’il en soit, la communication du gouvernement sur le sujet a des conséquences gravissimes car il est évident que les masques, même de faible protection, ne peuvent que diminuer le risque de contagion s’ils sont portés de manière généralisée, comme l’a récemment reconnu le collège belge de médecine générale[32]. Les spécialistes asiatiques ont d’ailleurs été effarés que les autorités sanitaires européennes délivrent un message si trompeur à la population[33]. En racontant à la population que le port du masque est inutile, nos dirigeants ont donc favorisé la propagation du virus, et ont certainement causé la mort de patients qui, si les masques avaient été massivement portés, n’auraient sans doute pas été infectés.
Autre propos étrange du gouvernement : « le virus ne s’arrête pas aux frontières », qu’il ne sert donc à rien de fermer[30]. Mesure-t-on à quel point cette affirmation est absurde ? Les frontières n’arrêtent pas les virus, mais elles peuvent arrêter les porteurs. Il est évident que lorsque le virus se répand à partir d’un foyer extérieur, on en limite la propagation en restreignant l’accès au territoire national. Le confinement n’est d’ailleurs rien d’autre que l’équivalent d’une fermeture des frontières généralisée à l’ensemble d’un pays.
Péché n°7 : indifférence
Les discours de notre première ministre avaient l’accent de la sincérité et semblaient authentiquement empathiques envers la population. C’était une bonne surprise et nous voulons bien croire en sa volonté de trouver les réponses appropriées à la crise. L’action d’un gouvernement ne saurait cependant se juger à l’aune des seuls discours de sa première ministre, aussi séduisants soient-ils. Il ne s’agit pas ici d’un problème de communication politique, mais de la réponse à une épidémie mortelle. C’est par les actes, et non par les mots, que l’on attend de nos dirigeants qu’ils prouvent qu’ils se soucient réellement du sort des malades et de la population générale. Et les actes réels du gouvernement ne montrent hélas pas d’empathie, mais de l’indifférence.
Le confinement est un désastre économique dont la population mettra du temps à se relever, si elle s’en relève. Si le confinement généralisé s’est accompagné de mesures d’aide économique envers les personnes affectées, ces mesures auront un coût que seule la population pourra payer, que ce soit par l’endettement public ou l’inflation. Or le confinement généralisé n’a été causé que par les multiples fautes et erreurs du gouvernement, spécialement en ce qui concerne le dépistage. Nonchalants jusqu’ici, les responsables de ce désastre devront, nous l’espérons, en répondre devant le peuple, et nous verrons s’ils montreront tant d’insouciance.
Indifférence aussi à l’égard des personnes âgées qui se trouvent enfermées en maison de repos, nos parents et nos grands-parents, qui baignent dans un environnement où le virus, souvent mortel pour eux, rôde indétectable autour d’eux[34]. Ils vivent dans l’angoisse, confinés dans leur chambre. Et lorsqu’ils sont infectés, on les prie de mourir gentiment dans leur chambre, sans leur proposer d’hospitalisation car ils sont trop vieux, et sans revoir leurs proches, pour éviter la contamination[35]. C’est ainsi que 40% des victimes du Covid-19 sont décédés en maisons de repos, laissés à leur sort sans même avoir eu accès à des soins hospitaliers[36]. Ils sont ensuite enterrés à la va-vite, en petit comité, dans l’anxiété de leurs proches qui craignent de choper le virus à leur tour.
Indifférence enfin au sort des gens, infectés ou non, qui se trouvent enfermés chez eux, souvent seuls, séparés de leurs proches, dépossédés d’une part de leurs revenus, angoissés par le virus, déprimés par l’oisiveté, sans cesse culpabilisés par de nouvelles restrictions à leurs déplacements, mis à l’amende en vertu de règlements mal rédigés ou arbitraires[37], interdits d’accès à la justice, n’ayant pas accès à leur médecin lorsqu’ils sont malades, privés de soins médicaux autres qu’urgents.
Et le gouvernement insiste : il était parfaitement préparé, il ne faut pas céder à la panique, ce n’est pas l’heure de désigner les responsables, il faut garder la tête froide, notre système de santé fonctionne parfaitement bien. Il n’est pas utile de se remettre en cause. 3019 morts, mais on n’y est pour rien. C’est la faute à pas-de-chance.
Il était pourtant possible que les choses se passent autrement. Il était possible de faire confiance à l’ensemble des acteurs de la santé, aux hôpitaux, aux médecins, aux infirmiers, aux laboratoires, aux universités, aux fournisseurs de masques, de matériel et de kits de dépistage, aux industriels. Il fallait laisser travailler ces acteurs courageux et compétents, et se concentrer sur le dépistage des malades et de leurs proches, isoler les malades sans confiner le reste de la population, laisser les gens porter des masques pour se protéger, et dire la vérité à la population. Bref, il était possible d’éviter le désastre.
C’était possible, mais ce n’est pas arrivé. Les responsables devront en répondre devant le peuple.
Pour le Parti Libertarien
Christophe Goossens
UPDATE: Une pétition circule actuellement pour demander que le gouvernement cesse d’interférer avec le travail des professionnels de la santé. N’hésitez pas à signez et partagez cette pétition ici.
[1] https://www.mediterranee-infection.com/covid-19/; chiffres au 11 avril 2020.
[2] Source : OCDE (chiffres de 2018), https://stats.oecd.org/
[3] https://www.lespecialiste.be/fr/actualites/masques-detruits-un-plan-pour-un-stock-tournant-est-en-cours-de-realisation-de-block.html
[4] Voir à ce sujet l’édifiant compte-rendu intégral de la séance plénière de la Chambre du 5 mars 2020, p. 22, lors de laquelle Mme De Block, pourtant médecin de son état, qualifia le Covid-19 de « grippe nouvelle, mais légère » (« nieuwe, maar milde griep »).
https://www.lachambre.be/doc/PCRI/pdf/55/ip026.pdf.
[5] Voici ce qu’il déclarait le 8 mars, avant le confinement, alors que l’épidémie se propageait allègrement en Belgique : « nous devons examiner les faits objectivement. Il meurt chaque année plus de citoyens de la grippe que du coronavirus jusqu’à présent » https://www.hln.be/nieuws/binnenland/van-ranst-over-miljoenen-italianen-in-quarantaine-vraag-is-of-dit-proportioneel-is~a47741bf/
[6] https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/coronavirus-lettre-ouverte-a-maggie-de-block/article-opinion-46013.html
[7] Compte rendu intégral de la réunion de la commission de la Chambre du 3 mars 2020, p. 40 https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic121.pdf
[8] https://www.info-coronavirus.be/en/news/1684-new-covid-19-coronavirus-infections/
[9] https://www.info-coronavirus.be/en/what-is-the-government-doing-about-it/
[10] https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic121.pdf, p. 5 et p. 33. Relevons, pour être de bon compte, que le ministre De Backer semble quant à lui prêt à prendre ses responsabilités s’il estime que les recommandations des experts sont infondées :
[11] Voir notamment : https://www.rtbf.be/info/regions/detail_mons-2000-masques-du-chargement-d-un-camion-requisitionnes-pour-deux-hopitaux?id=10460440 et https://www.medi-sphere.be/fr/actualites/la-ville-de-bruges-requisitionne-masques-gel-et-lunettes-de-securite.html
[12] Arrêté royal du 23 mars 2020 portant des mesures particulières dans le cadre la pandémie de SRAS-CoV-2 basées sur le livre XVIII du Code de droit économique, art. 6, Moniteur belge, p. 17.613.
https://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2020/03/23_2.pdf
[13] https://www.sudinfo.be/id173554/article/2020-03-15/5-millions-de-masques-commandes-mais-toujours-pas-la-la-ministre-de-block
[14] https://www.rtl.be/info/belgique/societe/coronavirus-en-belgique-3-millions-de-masques-livres-il-y-a-un-semaine-a-bierset-ne-sont-pas-conformes-1210835.aspx
[15]https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_coronavirus-une-commande-de-millions-de-masques-ffp2-annulee?id=10470332
[16] Expérience vécue.
[17] https://news.un.org/fr/story/2020/03/1064142
[18] https://www.solidair.org/artikels/dirk-van-duppen-de-roma-hemels-het-hiernumaals
[19] https://www.demorgen.be/nieuws/dit-was-de-week-van-viroloog-marc-van-ranst-een-quarantaine-kondig-je-beter-meteen-af~b4c3deae/
[20] https://www.mediterranee-infection.com/covid-19/ ; chiffres du 9 avril 2020.
[21] Arrêté royal du 17 mars 2020 interdisant la mise à disposition, la mise en service et l’utilisation des tests rapides de mesure ou de détection des anticorps liés au virus SARS-CoV-2, Moniteur belge, 18 mars 2020.
[22] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-test-du-coronavirus-a-faire-chez-soi-en-15-minutes-fiable-ou-pas?id=10477253
[23] https://plus.lesoir.be/285707/article/2020-03-09/le-virologue-marc-van-ranst-impossible-de-connaitre-le-nombre-exact-de-cas-de
[24] https://www.lespecialiste.be/fr/actualites/coronavirus-le-laboratoire-de-reference-de-l-uz-leuven-commande-un-deuxieme-appareil-pour-les-tests.html
[25] https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_coronavirus-gsk-prochainement-en-mesure-de-realiser-au-moins-6000-tests-de-depistage-par-jour?id=10478427
[26] https://www.lesoir.be/293671/article/2020-04-09/les-laboratoires-de-biologie-clinique-agrees-en-colere-contre-le-gouvernement
[27] https://www.dhnet.be/actu/belgique/de-backer-repond-aux-laboratoires-cliniques-sur-l-analyse-des-tests-5e90645e9978e2284162a387
[28] https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/03/covid-19-l-allemagne-effectue-t-elle-vraiment-500-000-tests-par-semaine_1783979
[29] Source : Sciensano
https://epistat.sciensano.be/Data/COVID19BE_tests.csv
[30] https://www.sudinfo.be/id169470/article/2020-02-25/maggie-de-block-sexprime-concernant-le-coronavirus-en-belgique-de-fortes-chances
[31] https://www.maggiedeblock.be/fr/le-port-dun-masque-permet-il-de-lutter-contre-la-propagation-du-coronavirus/
[32] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_le-college-de-medecine-generale-belge-recommande-le-port-du-masque-pour-tous?id=10477394
[33] Voir à ce propos : https://www.dhnet.be/actu/monde/le-masque-pour-tous-ne-sert-a-rien-ou-presque-rien-il-est-faux-grave-et-dangereux-de-dire-cela-5e789cb7d8ad582f31e91317
[34] Des plans existent en vue d’un dépistage massif des maisons de repos ; nous espérons que les déclarations d’intention seront suivies d’effets.
[35] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_face-au-coronavirus-le-defi-enorme-des-maisons-de-repos-et-de-soins?id=10466489
[36] https://www.info-coronavirus.be/en/news/1684-new-covid-19-coronavirus-infections/
[37] Comme le relève Nicolas Thirion, professeur de droit: « L’arrêté qui dicte les règles du confinement est affligeant : zéro pointé pour le ministre de l’Intérieur »,
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